Temps de l'écriture

temps de l’écriture #

Mutualisme, symbiose, parasitisme dans la pratique d’écriture : évolution des outils et du médium #

Aujourd’hui nous entendons une définition élargie de l’écriture, nous incluons dans la définition de l’écriture, des gestes qui étaient considérés soit comme antérieurs soit comme postérieurs à l’acte d’écrire, c’est à dire collecter des matériaux, organiser une archive, et puis postérieurement l’éditer, la faire circuler, toutes ces choses aujourd'hui relèvent de pratiques d’écriture. L’écriture n’est plus vue ici en son sens de texte linguistique, mais dans le sens d’un schéma de communication comportant, outre une dimension linguistique, une dimension matérielle et visuelle inhérente à son environnement. L’écriture est dessinée par la totalité de la chaîne éditoriale qui rend l’écriture intelligible, visible, disponible. Des chaînes éditoriales qui aujourd’hui proposent de plus en plus un ensemble d’outils et de méthodes leur permettant d’organiser leur production et leur diffusion papier et numérique dans un environnement normé à fort potentiel d’interopérabilité. Un des apports principaux de ces chaînes est de rationaliser, au sein de la chaîne, le travail éditorial tout en favorisant la mise en place de stratégies de diffusion multi-supports, en assurant une pérennisation des contenus et une haute qualité des métadonnées associées.

Mais l’écriture n’en a pas toujours été ainsi, en effet, l’histoire du médium imprimé et de l’outil d’écriture ont traversé d’innombrables innovations créant mutualisme1, symbiose2, parasitisme3 entre la pratique d’écriture, outils et supports.

Le papyrus4 dans la civilisation égyptienne par exemple permettait une lecture linéaire du contenu dans un ordre prédéfini. Le papier5, lui, inventé en Chine vers l’an cent, se répand ensuite en Europe et viendra définitivement remplacer ces anciens supports, tel que le parchemin qui demandant un travail préparatoire le rendait trop onéreux. Les débuts de la Rome antique eux, nous ont amenés le Volumen6, peu pratique à manier, car, pour le lire, il faut sans cesse le dérouler d’un côté et l’enrouler de l’autre. Les codex7 amérindiens et codex asiatiques ont été l’évolution permettant d’amener au livre avec un support divisé en pages, permettant de passer d’un endroit A à un endroit B du texte beaucoup plus facilement changeant donc la manière de lire et d’aborder une information textuelle, favorisant la prise de notes et simplifiant le rangement.

La fin de l’Antiquité tardive et le début du Moyen Âge marquent le travail des moines copistes (codex/manuscrits) avec notamment son âge d’or8 entre le IXe et le XIIe siècle : réseaux d’abbayes bénédictines ou cisterciennes recourant aux grands textes de l’Antiquité. La naissance de l’imprimerie en 1454 par Gutenberg, montre la volonté de créer un outil de diffusion à grande échelle des savoirs qui se juxtapose au besoin pressant de textes fiables ou corrects, puisque le monde des lettrés, quoique toujours minoritaire, se faisait plus important. Le papier imprimé fait sortir le livre de l'enceinte close de l'université. L'atelier d'imprimerie est devenu un nouvel espace d’échanges où se rencontrent des spécialistes, techniciens, savants qui jusqu'à présent ne se réunissait jamais : créanciers et commerçants sont à la fois investisseurs et clients de l'imprimerie, des artisans et techniciens qui fabriquent et entretiennent les machines (menuisiers, serruriers , sculpteurs de fonte, fondeurs, métallurgistes, mécaniciens), des artistes (peintres, sculpteurs) pour faire illustrations et lettrines enluminées, écrivains (savants, traducteurs, maîtres d'universités, médecins, astronomes, mathématiciens, Poètes, musiciens, etc.) pour le personnel technique (compositeurs, imprimeurs, relieurs, etc.) utilisé pour rédiger et corriger les textes et réaliser les livres eux-mêmes. L'imprimeur principal doit coordonner ces différents univers autour de son projet en réunissant des experts de plusieurs pays européens. Quant à la fabrication du livre, les tâches sont réparties dans l'atelier d'impression ; chacun joue un rôle bien précis dans la réalisation du livre. C'est une prote (chef d’atelier) qui étudiera en détail toutes les problématiques. Les compositeurs qui surviennent dans le travail d'impression sont chargés d'assembler les caractères imprimés pour former les lignes du texte (à l'aide d'un combineur) puis la page. L'histoire a conservé le rôle important que la Bible imprimée a joué dans l'avènement de la pensée humaniste et de la Réforme. Cependant, on ne trouvera pas que la Bible dans les . Les premiers imprimeurs ont également publié de grandes œuvres littéraires de l'Antiquité et du Moyen Âge, des romans chevaleresque, des ouvrages d'héraldique, des traités scientifiques et toutes sortes d'ouvrages utiles ou attrayants qui n'auraient jamais pu voir le jour dans les ateliers des scribes. L’Histoire a vu par la suite d’autres innovations et améliorations de l’imprimerie jusqu’à la rupture technologique que sera la révolution industrielle et ses répercussions. Frédéric Kaplan propose « de replacer l’évolution des livres dans le cadre plus général d’une théorie de l’évolution des représentations régulées. Une représentation régulée est une représentation dont la production et l’usage est soumis à un ensemble de règles. Un annuaire, une table de compte, un arbre généalogique, un diagramme de production, une carte d’une région, une encyclopédie, une feuille Excel, une présentation PowerPoint sont autant d'exemples de représentations régulées. La plupart des représentations régulées tendent vers plus de régulations au fil du temps (il y a des exceptions comme l’expression poétique qui au contraire tend vers la dérégulation). »9. Le processus général de cette régularisation est la transformation de conventions en mécanismes. Cette mécanisation procède en deux étapes successives : la première « La mécanisation des règles de production » par exemple avec la Linotype10, Monotype11 et la photocomposition12.

La deuxième moitié du XXe siècle post-guerre a été le théâtre d’innovations et questionnements technologiques, notamment avec l’émergence de l’outil informatique et sa démocratisation, ainsi que l’arrivée d’internet dans les années 70, répondant à la deuxième étapes qu’est « La mécanisation des règles d’usage ». Années durant où l’ARPANET (Advanced Research Projects Agency NETwork) de 1969, réseau de transfert de paquets aux États-Unis par la Defense Advanced Research Projects Agency, est passé du protocole NCP13 au TCP/IP14 (protocoles), tout ceci amorcé par les travaux de Kleinrock au MIT sur la communication des paquets en 1961. En 1971, Michael Hart de l’université de l’Illinois, voit en l’ordinateur et internet autre chose que la force de calcul, il y voit une « magnifique capacité de stockage » utile pour conserver et diffuser un savoir. Ce qu’il entreprendra en 1971 avec le Projet Gutenberg15, bibliothèque de livres numériques (ici on entend des livres à l’ère du Web 1.0 soit une succession de textes et de liens) grâce à l’OCR16 afin de « briser les barrières de l’ignorance et l’illettrisme ». Les médias numériques ont alors intégré notre quotidien jusqu'à ce que celui-ci les ait digérés, aujourd’hui ce sont eux qui façonnent notre quotidien.

L’écriture, système technique et sémiotique, mais avant tout un média #

L’écriture est à la fois l’objet et l’outil des médias informatisés, si bien que les concepts initiaux de leurs approches des médias informatisés sont des concepts qui relèvent de l’écriture (qui est la fois une technique, un texte et un usage),  ainsi du concept fameux d'“écrits d’écran”. Cette dernière expression est pertinente parce qu’elle lie le support technique (l’écran) et la forme symbolique (l’écrit), mais limitative, car l’écriture numérique peut excéder l’écran. »17

Le terme « médias informatisés » proposé par Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier pour décrire notre nouvel environnement d'écriture et de lecture a aussi l'avantage de permettre à tout à chacun de comprendre cette « remédiation » ou réécriture médiatique : tout nouveau média passe par l'imitation et la transformation d'un autre type de média18 et nous amène à une nouvelle forme d'immédiateté19.

Pour définir le verbe d’action lié à nos médias numériques post-internet, Emmanuël Souchier emploie le mot « lettrure ». Un mot dont nous ne savons pas vraiment s'il fait référence à la lecture ou à l'écriture. Il semble être une éternelle hésitation entre ces deux axes, entre ces deux activités si clairement définies dans nos siècles d'alphabétisation et de pratiques pédagogiques héritées : Lire et Écrire.

Souchier nous dit que sa première définition est poétique. Il a une signification théorique et une résonance politique. La signification culturelle, la connotation et l'hésitation sémantique entre la lecture et l'écriture qui viennent d'être évoquées sont précisément dans cette pseudo-hésitation qu'elle convoque des activités duelles et conjointes de lecture et d'écriture. Cependant, cette activité permet de rendre compte des pratiques entourant l'analyse des supports informatiques. Depuis quelque temps, nous avons montré que les supports informatiques sont des dispositifs techniques utilisés pour l'écriture et la lecture. Des ordinateurs personnels aux téléphones portables en passant par les consoles de jeux, nous pouvons accéder à ces appareils via des activités de lecture (lecture de l'écran, du clavier ou de l'objet informatique lui-même) ainsi que des activités d'écriture, souvent confondues au sein d’un même espace/environnement.

Notre pratique de l'écriture contemporaine s'est adaptée20 aux médias et objets techniques qui constituent notre façon de communiquer au quotidien. Saisir le code d'accès sur la console du DAB ou saisir le numéro d’un ami sur le clavier du téléphone, sélectionnez le signet dans le menu déroulant du navigateur Internet ou faites glisser votre doigt sur l'écran du smartphone pour faire défiler la liste des icônes... Toutes ces pratiques parlent de notre époque post-internet, richesse propre à l'écriture. Lorsque je démarre et que j'utilise un ordinateur par exemple, j'utilise des outils d'écriture (sous la forme d’un clavier) pour fonctionner. Je fais face à un seul dispositif d'écriture, écran et scène audiovisuelle dans toutes les situations.

Dans les supports informatiques, tous ces niveaux d'écriture établissent un lien entre la technologie et les symboles. Ils permettent l'expression des dimensions matérielles des équipements et du langage symbolique utilisés pour la communication sociale numérique à travers le geste scriptural. « La manipulation de l’écrit (qui suppose sa discrétisation) est poussée à la limite du fait d’une double coupure : une coupure matérielle (le codage binaire est indépendant du support d’enregistrement, il est neutre fonctionnellement vis-à-vis de la matière qui le réalise) et une coupure sémantique (le numérique n’a pas de sens ou d’interprétation propre). Seule l’écriture numérique suppose cette double coupure, matérielle et sémantique. »21.

« Notre point de vue sur l’écriture est d’abord un point de vue sur la technique, consistant minimalement à dire que la technique est anthropologiquement constitutive/constituante »22. Il convient de noter que, pour la première fois de son histoire, l'humanité a utilisé des outils d'écriture écrits/lisibles pour lire et écrire. Mise en abyme unique, sa fonction principale est de donner à l'écriture une place centrale dans la relation entre nous et les équipements techniques informatisés que nous façonnons. Au-delà ou en-deçà de l'usage des idiomes, lorsque j'utilise des appareils technologiques ancrés dans la vie quotidienne - comme les ordinateurs ou les téléphones portables - j'adhère pleinement à la profondeur historique et à la symbolique de notre société, culture et technologie.

Notre relation aux appareils informatiques est constamment immergée dans le « langage technique »23 qui constitue ce dit objet dans notre monde social. En plus de l'unicité de ce « langage technique » , ma pratique tactile, physique ou d’expérience de l'appareil informatique façonne ma compréhension de celui-ci. Cela se fait grâce à la « mémoire » obtenue durant ces innombrables répétitions quotidiennes, généralement inconsciemment, et ne nécessitant pas obligatoirement l'utilisation du langage. Or ce geste scriptural est un geste transitoire et changeant au fil de nos civilisations : il semble, fondamentalement et instinctivement, induit par l’outil, par l’objet technique dont la représentation primordiale serait un doigt laissant trace24.

Le passage de l’écriture médié par la plume vers la machine à écrire puis à l’arrivée des logiciels de traitement de texte (PAO) dans les années 80 ont permis une manipulation plus approfondie et encore moins linéaire du texte (malgré que le sommaire et la table des matières avait déjà permis initialement de rendre la lecture non-linéaire possible25) — faisant rupture comme le codex avait fait rupture auprès du parchemin — avec des fonctions telles que copier-coller-couper, ajouter-supprimer-remplacer. Ces fonctions précédemment citées ont révolutionné la linéarité d'écriture/lecture, de structuration textuelle et sémantique, que ce soit à l'état du brouillon ou un état définitif, ces deux états textuels cohabitent au sein du même environnement. Nous sommes donc passés d’un rapport papier/crayon à un rapport clavier/souris avec tous les bouleversements que cela implique à la fois dans notre relation à l'écrit, dans sa réflexion et dans sa manipulation ; notamment ce paradoxe où plus un logiciel/environnement nous est donné facile à utiliser plus « une pile de couches programmatiques “opacifiant” »26 (« au sein de leur fonction première : leurs capacités à traiter des symboles »27) y est appliquée.

Par exemple, écrivez « sum[1, 2, 3] » sur une feuille, il sera marqué « sum[1, 2, 3] ». Tapez « sum[1, 2, 3] » dans un programme28 il sera marqué « 6 ». Il s’agît ici de la base de l'informatique : sa performativité29 et sa computation30. Le texte est maintenant balisé selon sa teneur sémantique. Permettant de rapprocher un mot à sa structure logique31 (métadonnée). Baliser son texte c’est permettre de le manipuler ou de générer de façon programmatique, algorithmique, générative et donc de profondément changer notre rapport à l’écriture.

« Ce n’est pas par hasard que l’homme moderne écrit « à« la machine et « dicte« (le même mot que « dire » ) » à « la machine. (F.K., GFT) » .

Prenons le travail littéraire de Anne-James Chaton où « une œuvre multipolaire, fondée sur une étude approfondie des matériaux textuels qui constituent le quotidien de la société contemporaine. Cette littérature « pauvre » comprend une multitude de documents imprimés à la machine. Reçus bancaires, achats, prospectus, cartes de visite, etc. sont la source des recherches d’Anne-James en matière de son, de poésie et d’art visuel, qu’il développe dans des projets personnels »32. Franck Leibovici décrirait son travail comme des écritures ordinaires, liées à des routines qui échappent à notre attention ou à notre champ de vision et, pour cela, demeurent « innommées »33. Car en écrivant le numéro d’adhérent d’une carte fidélité d’une personne X hors de son dispositif technique (ici la carte), celui-ci détache le signifié de cette suite numérique ne donnant plus accès à sa valeur sémantique (informations de la carte) et donc à son intelligibilité34.

Avec ces nouveaux outils et gestes d’écriture évoqués, quelle est la position de l’auteur aujourd'hui ? Quelle est la position du créateur ? L’écriture va dans la réplication, dans la copie, dans le répétitif. Le nouvel auteur est un réfracteur. Le langage sur le web est plastique, il peut être coupé, collé, stimulé, répliqué, distribué. Amenant un brouillage entre « auteur/ lecteur »35 , « auteur/auteur »36.

Nouvelles pratiques d’écriture à l’ère Post-Internet #

« On ne peut plus écrire aujourd’hui sans prendre en compte l’arrivée du traitement de texte individuel, l’accès facilité aux sources du savoir, les échanges interactifs avec les lecteurs, la possibilité pour un auteur de maîtriser sa publication, la nécessité également d’apprendre le code informatique pour être maître des dispositifs techniques. »37

L'antériorité d’un contenu sur un autre ramène toujours l’écrivain ou tout autre créateur à faire l’écho de ceux-ci lorsque celui-ci rédige et élabore son œuvre. La Littérature, c’est toutes les œuvres littéraires ou écrites qui existent, c’est un immense continuum de toute la pensée humaine. Chaque œuvre évolue l’une par rapport à l’autre, chaque écrit apporte des écrits , chaque écrit en oublie… Parfois, certains ressortent et ils ne sont qu’un quanta. On s’en rend compte en étudiant l’histoire de l’écriture et de la littérature. Tous les écrits y sont précurseurs, car ils inventent quelque chose qui relève de l’histoire de l’écriture et du langage et par extension de l’Homme.

Internet, conçu comme un gigantesque entrelacs de signes en mouvement, se présente comme un espace multicouche où tous les types de langages (sémantiques, logiciels, iconiques, sonores...) ― chacun réduit à une unité informationnelle identique ― sont vaporisés,altérés, dissipés. Internet a rendu ce flux de contenus et d’informations consultable en tout temps et en tout point, faisant passer le bagage culturel intime de l’individu38 à une bibliothèque mutualisant en temps réel tous les contenus et archives disponibles où tout un chacun peut piocher ou même éditer ce dit contenu. Amenant une question sur la perception de l’originalité au 21è siècle, une époque où la technologie nous force à réévaluer ce qui est original ou pas de par l’accessibilité des contenus et leur redistribution (copier-coller-diffuser).

La pratique d’écriture numérique est devenue d’autant plus accessible cognitivement que les outils et environnement liés à l’écriture ont évolué en ce sens39 et permettent aujourd’hui une intertextualité40 (Ensemble des relations existant entre plusieurs textes).

« De fait, pas d’hypertexte sans convocation dans l’esprit de l’auteur et de son lecteur d’un hypotexte, variante d’intertexte. »41. Notamment grâce au système de balisage du texte avec l’arrivée des logiciels WYSIWYG42, et de l’HTML. Malgré cela, comme le collectif Open Source Publishing le dit, le logiciel WYSIWYG reste dans une limite de ce que peut être apporter ce type environnement d’écriture dans l’élaboration du publication donnée : « Dans sa tentative de simuler la manipulation directe de l’objet final, l’approche WYSIWYG se heurte aux limites du paradigme papier/ciseaux. Prisonnière de l’héritage de Gutenberg, elle ignore le potentiel de réinvention du média numérique. L’approche programmatique s'avère elle aussi décevante car systématique et linéaire. Fonctionnant à sens unique, du code vers le visuel, elle fonctionne bien pour mettre en page des flux continus mais permet très difficilement de débrayer et de créer des mises en pages plus articulées, notamment car le format final n’est plus éditable. »43 Et il est aussi important de noter que cette lecture hypertextuelle peut amener à une forme de « dérive »44 et que l’on peut donc perdre le fil au fur et à mesure de la navigation/lecture.

Des technologies de langage comme l'HyperText Markup Language (HTML) qui sert, en informatique, à structurer un texte grâce au balisage (métadonnées) qui pourra être interprété par un navigateur. Le CSS (Cascading Style Sheet) permettant de la composition visuelle au sein d’une page web tout en prenant en compte le support dans lequel il est médié grâce aux medias queries45. LaTeX, un langage et un système de composition de documents. Collection de macro-commandes destinées à faciliter l'utilisation du « processeur de texte » TeX de Donald Knuth. Le MarkDown, un langage de balisage léger créé en 2004 par John Gruber avec l'aide d'Aaron Swartz. Créé dans le but d'offrir une syntaxe facile à lire et à écrire. Un document balisé par Markdown peut être lu en l'état sans donner l’impression d'avoir été balisé ou formaté par des instructions particulières. Un document balisé par Markdown peut être converti en HTML, en PDF ou en d'autres formats. Bien que la syntaxe Markdown ait été influencée par plusieurs balises de conversion de texte existants vers HTML.

Ou bien des environnements d’écriture, rendant l’écriture collaborative tel que Etherpad ; do•doc, un outil d’écriture composite mettant en avant la sémantique de l’écriture informatique (Titre 1, Titre 2, courant 1, gras…) ou Automatic.ink « une plateforme expérimentale d’écriture. (...) conçue pour explorer des nouvelles formes d’écriture à l’ère des supports de lecture électroniques émergents – notamment les tablettes numériques – et la manière dont ces supports reposent la question d’une littérature algorithmique. (...)46.

Ces nouvelles technologies de langage et ces nouveaux environnements d’écriture donnent un cadre idéal aux chercheurs et récemment aux designers à travers de nouvelles méthodologies de travail pour faire leurs recherches et expérimentations autour de l’écriture numérique, sa publication, sa réceptivité et les relations potentiellement continues entre les médias. Cependant ses interrogations n’ont quitté que depuis peu le milieu universitaire et ces réalisations portent aujourd’hui des problèmes graphiques et d’esthétiques non-résolus que de nouveaux designers prennent en charge47. En effet la forme qu’a pris le livre numérique à ce jour n’est qu’une remédiation du support papier. Il en reprend les affordances et les gestes hérités en territoire numérique. Que ce soit par de la performance issue de l’évolution du support papier ou pour rassurer le lecteur en le mettant dans un environnement rassurant. La liseuse, malgré la nomadité qu’elle permet et son paramétrage , n’est rien d’autre qu’un livre rétroéclairé48 Une chose est certaine, l’édition numérique n’a pas trouvé sa véritable forme.

Les designers de par l’attention qu’il porte à l’outil et à la sensibilité du projet sont les plus à même de déplacer ces travaux universitaires vers une sphère plus ouverte en développant des outils d’écritures et des créations numériques. Et de ce fait d’enrichir tout ce travail préparatoire et réflexif initié dans le milieu universitaire et cela en développant des outils et des environnements d’écriture innovants permettant une nouvelle textualité, par le design graphique dans la maîtrise de la mise en page, de la couleur et la typographie permettant l’attractivité et une plus grande qualité à ces créations mais aussi dans les questions de diffusions de nouvelles formes d’éditions numériques.

Des artistes, chercheurs et designers « explorent les possibilités offertes par les nouveaux supports de l’écrit : écritures du réseau et en réseau (Lucille Calmel, hp process ou Annie Abrahams), écritures hypertextuelles (Eli Commins), écritures mobiles (Célia Houdart, Blast Theory, Ici Même Paris), écritures avec la machine et la régie informatisée du théâtre (Heiner Goebbels, Tino Sehgal ou les Baltazars), écritures avec et par les jeux vidéo (Joseph Delappe) ou les métavers (Agnès de Cayeux), écritures en continu par textos, écritures collaboratives, participatives, anonymes »49

Iconographie #

Jean-Pierre Balpe

Kaos 3, Actions poétiques, Balpe, 1993

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Etherpad, logiciel d’écriture collaborative, 2008

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do•doc, un outil composite, atelier des chercheurs, 2017

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Automatic.ink , une plateforme expérimentale d’écriture , HEAD-Genève, 2015

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Automatic.ink , une plateforme expérimentale d’écriture , HEAD-Genève, 2015

MIT center

MIT center, WebGL site ACT, ACT, 2009 http://act.mit.edu/cavs

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Poetic program, typographic system, Rémi Forte, ANRT, 2018


  1. Le mutualisme est une interaction biologique hétérospécifique qui apporte des avantages, gains, profits en termes de valeur sélective dans l'évolution. ↩︎

  2. La symbiose est une association intime, durable entre deux organismes hétérospécifiques. ↩︎

  3. Le parasitisme est une relation biologique durable entre deux êtres vivants hétérospécifiques où un des protagonistes — le parasite — tire profit d'un organisme hôte pour se nourrir, s'abriter ou se reproduire. Cette relation aura un effet négatif pour l’hôte. ↩︎

  4. Le papyrus est obtenu grâce à l’assemblage de fines lamelles découpées dans la tige des roseaux. Elles sont humidifiées et disposées perpendiculairement les unes aux autres. ↩︎

  5. Cai est un personnage célèbre de l'histoire chinoise car on lui attribue, par tradition, l'invention du papier, ou tout au moins l'amélioration de sa technique de fabrication. Il aurait eu l'idée, en l'an 105, de remplacer les supports anciens de l'écriture, c'est-à-dire les tablettes de bambou et la soie, par un papier réalisé à partir d'une pâte à base d'écorce d'arbres (notamment de mûrier à papier), de lin et de chanvre. ↩︎

  6. Fabriqué à partir de bandes de papyrus. Présenté sous la forme d’un rouleau. ↩︎

  7. « volume constitué de feuilles pliées et assemblées en cahiers plus ou moins épais » F. Barbier, Histoire du livre en Occident, Armand Colin., p. 337 ↩︎

  8. L’époque de la réforme de Cluny amène une grande vitalité monastique au X^e^ siècle. ↩︎

  9. Frederic Kaplan, Les trois futurs des livres-machines, février 10, 2012, https://fkaplan.wordpress.com/2012/02/10/les-trois-futurs-des-livres-machines/ [consulté le 16/11/2021 à 15:39] ↩︎

  10. Machine de composition mécanique utilisant un clavier pour produire des lignes justifiées fondues en un seul bloc. ↩︎

  11. Procédé d'impression où une peinture sur cuivre, sur verre ou sur matière plastique est reportée par pression sur papier, ce qui ne permet d'obtenir qu'un seul exemplaire; épreuve qui en résulte. ↩︎

  12. Composition photographique donnant des textes sur film obtenus à partir de modèles (sous forme d'images optiques ou de programmes informatiques) de lettres, chiffres et symboles en vue de leur reproduction par un moyen d'impression quelconque (typographie, offset, héliogravure). ↩︎

  13. En informatique, Network Control Protocol (NCP) est un protocole réseau intégré pour négocier les options concernant la couche 3 du réseau. ↩︎

  14. TCP (de l’anglais Transmission Control Protocol) et IP (de l’anglais Internet Protocol) est l’ensemble des protocoles utilisés pour le transfert des données sur Internet. ↩︎

  15. Bibliothèque de versions électroniques libres (parfois appelés e-text ou e-content) de livres physiquement existants. Les textes fournis sont essentiellement du domaine public, soit parce qu'ils n'ont jamais été sujets à des droits d'auteur, soit parce que ces derniers sont expirés. Il y a également quelques textes toujours sous droit d'auteur, mais malgré tout rendus disponibles pour le projet avec la permission de l'auteur. Le projet fut lancé par Michael Hart en 1971 et nommé en hommage à l'imprimeur allemand du xv^e^ siècle Johannes Gutenberg. ↩︎

  16. OCR (de l’anglais : optical character recognition), une technologie qui permet de convertir différents types de documents tels que les documents papiers scannés, les fichiers numériques en fichiers modifiables et interrogeables. ↩︎

  17. Petit, Victor, et Serge Bouchardon. « L'écriture numérique ou l’écriture selon les machines. Enjeux philosophiques et pédagogiques », Communication & langages, vol. 191, no. 1, 2017, pp. 129-148. ↩︎

  18. Cotte, Dominique. Émergences et transformations des formes médiatiques, Paris, Hermès, 2011. ↩︎

  19. Mitchell,William John Thomas. Image Science, Iconology, Visual Culture and Media Aesthetics. Chicago, University of Chicago Press, 2015, p. 114. ↩︎

  20. Bonaccorsi, Julia. « La bande dessinée aux prises avec la “machinerie éditoriale” du smartphone », Communication & langages, 167, mars 2011, p. 87-105. ↩︎

  21. Petit, Victor, et Serge Bouchardon. Propos de Bruno Bachimont dans « L'écriture numérique ou l’écriture selon les machines. Enjeux philosophiques et pédagogiques », Communication & langages, vol. 191, no. 1, 2017, pp. 129-148. ↩︎

  22. Ce point de vue est notamment celui du laboratoire Costech de l’université de technologie de Compiègne. Il est résumé dans Pierre Steiner, « Philosophie, technologie et cognition. État des lieux et perspectives », Intellectica, 53/54, 2010, p. 7-40. ↩︎

  23. Ces quelques préalables se trouvent contenus dans une dernière proposition qui justifie toute recherche sémio-critique. La culture nous apparaît de plus en plus comme un système général de symboles, régi par les mêmes opérations : il y a une unité du champ symbolique, et la culture, sous tous ses aspects, est une langue. [...], Roland Barthes ↩︎

  24. Jacques Derrida : Écriture laissant trace. ↩︎

  25. Dans la terminologie de Gérard Genette, le sommaire désigne un segment textuel dans lequel une partie de l’histoire événementielle est résumée, ce qui procure un effet d’accélération. ↩︎

  26. Loup Cellard, Anthony Massure, Le design de la transparence : une réthorique au coeur des interfaces numériques in « Technique & design graphique : Outils, médias, savoirs » p.119, 2020, Editions B42 ↩︎

  27. Ibid. ↩︎

  28. Succession dans le temps d’activités. ↩︎

  29. La performativité est le fait, pour un signe linguistique (énoncé, phrase, verbe, etc.) de réaliser lui-même ce qu'il énonce ; on dit alors que le signe est « performatif ». Le fait d'utiliser un de ces signes fait advenir une réalité. ↩︎

  30. 1. (Droit) Calcul, évaluation d’un délai, fixation d’une date précise. 2. Génération, création. ↩︎

  31. XML, h1, h2, une note… ↩︎

  32. https://www.villamedici.it/fr/residences/anne-james-chaton/ ↩︎

  33. Franck Leibovici, des opérations d'écriture qui ne disent pas leur nom, questions théoriques, 2020 ↩︎

  34. « Ce chapitre montre comment la connaissance procède d’une genèse technique à partir de supports matériels fonctionnant comme l’inscription matérielle des connaissances. Le point essentiel est que l’inscription n’est pas le résultat d’un processus ou la connaissance, connue et détenue, s'extériorise en une inscription qui n’est que la conséquence ; l’inscription est la condition constitutive de la connaissance : inscription et connaissance sont co-constitutives et s'élaborent de concert par la relation d'interprétation qui les relie. L'inscription est donc la condition et le résultat de la connaissance.» Ingénierie des connaissances et critique de la raison computationnelle. Bruno BACHIMONT ↩︎

  35. Pierre Bourdieu, « Lecture, lecteurs, lettrés, littérature », Choses dites, Éditions de Minuit, ↩︎

  36. Ibid. ↩︎

  37. Franck Queyraud, Connaître et valoriser la création littéraire numérique en bibliothèque ↩︎

  38. Musée imaginaire d’André Malraux. ↩︎

  39. Gestes scripturales, programmes, algorithmes, génératif, environnement d’écriture, Internet etc. ↩︎

  40. Intertextualité — relation de coprésence entre deux ou plusieurs textes, c’est-à-dire éidétiquement et le plus souvent, par la présence effective d’un texte dans un autre. ; la paratextualité — la relation que le texte entretient, dans l’ensemble formé par une œuvre littéraire, avec son paratexte : titre, sous-titre, intertitres; préfaces, postfaces, avertissements, avant-propos, etc. ; La métatextualité — la relation, dite “de commentaire”, qui unit un texte à un autre texte dont il parle, sans nécessairement le citer. ; l’hypertextualité — toute relation unissant un texte B (hypertexte) à un texte antérieur A (hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire. ». L’hypertexte est un texte dérivé d’un autre texte préexistant au terme d’une opération de transformation. : transformation simple (transposer l’action du texte A dans une autre époque : Ulysse de Joyce) ou transformation indirecte (ou imitation : engendrement d’un nouveau texte à partir de la constitution préalable d’un modèle générique; ex. : L’Énéide). ; l’architextualité — l’ensemble des catégories générales, ou transcendantes — types de discours, modes d’énonciation, genres littéraires, etc. — dont relève chaque texte singulier. ». Relation tout à fait muette, que n’articule, au plus, qu’une mention paratextuelle (l’indication Roman accompagnant le titre sur la couverture). Gérard Genette, Palimspestes : la littérature au second degré, Paris, Éditions du Seuil, 1982, ↩︎

  41. Pierre-Marc de Biasi, « Intertextualité (théorie de l') », Encyclopædia Universalis, 1989, p. 514. Voir, dans le même sens, Nathalie Limat-Letellier, « Historique du concept d’intertextualité », in L'Intertextualité, Annales de l’Université de Franche-Comté, n° 637, Besançon, 1998, p. 58-59. En lien avec les travaux de Gérard Genette dans Palimpsestes, la littérature au second degré . ↩︎

  42. Pour What You See Is What You Get – ou ce que vous voyez est ce que vous obtenez, en français. Le sens n’est donc pas ici la priorité, mais plutôt le rendu graphique, l'aperçu. Le principe du WYSIWYG est également utilisé dans de nombreuses applications web, comme des systèmes de gestion de contenu permettant d’éditer des sites web ou des blogs – ou CMS pour Content Management System. Écrire avec une interface en WYSIWYG apporte nécessairement une confusion entre la structure et sa mise en forme, puisque la personne qui saisit du texte dispose d’options prioritairement visuelles. Antoine Fauchié, Vers un système modulaire de publication : éditer avec le numérique, 2019. ↩︎

  43. « HTML2PRINT SANS SAUCE » in HTML SAUCE COCKTAIL, SAUCE Ã PART, OPEN SOURCE PUBLISHING – GRAPHIC DESIGN CARAVAN, February 15th, 2017, [[http://ospublish.constantvzw.org/blog/news/html-sauce-cocktail-sauce-a-part [consulté le 17/11/21 à 15:02] ↩︎

  44. Dans son blog pour une philosophie du numérique ([en ligne] http://blog.sens-public.org/marcellovitalirosati/faut-il-se-deconnecter-moi-je-vais-en-bateau/), Marcello Vitali-Rosati affirme que la littérature numérique est précisément le lieu de cette réappropriation métaphorique, et il cite les œuvres de Cécile Portier, Victoria Welby, Pierre Ménard et la sienne, précisément intitulée : Navigation ([en ligne] [[http://navigations.vitalirosati.eu/]. ↩︎

  45. Extensions du langage CSS qui définit le CSS selon le support. ↩︎

  46. Par « littérature algorithmique » nous entendons une forme d’écriture – textuelle en l’occurrence – qui se modifie par son programme lors de la lecture. Autrement dit, de la littérature augmentée par des instructions supplémentaires qui la transforment en un texte dynamique. Le tout compose un ensemble de formes et de contenus modulaires, capables de se réajuster en fonction de conditions internes ou externes ; en d’autres termes, des textes interactifs et génératifs. » Edric Stanley, Douglas. « 5. Automatic.ink : une plateforme d’écriture algorithmique », Stéphane Vial éd., Design & innovation dans la chaîne du livre. Écrire, éditer, lire à l’ère numérique. Presses Universitaires de France, 2017, pp. 61-80. ↩︎

  47. cf. pratique Rémi Forte. ↩︎

  48. Anthony Massure, Le design des programmes, op. cit, p.45 ↩︎

  49. Emmanuel Guez, « Préambule », MCD, 66, « Machines d’écritures », 2012. ↩︎