Introduction

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L’être humain est profondément défini par sa quête de la connaissance. Nos sociétés sont fondées par les formes de production et de circulation des savoirs : en comprendre ces différentes formes, être capable de les analyser, d’en repérer les enjeux et de les diffuser. C’est ainsi que l’Homme s’empare métaphoriquement du monde. Le livre, cet objet de savoirs conçu au fil des siècles montrant autant de formes que la pensée en a. Ce livre permettant de structurer la pensée par ses conventions organisatrices et graphiques, notamment par sa forme qui la matérialise. L'opposition entre la culture du manuscrit et celui de l’imprimé, du vernaculaire opposé au véhiculaire à longtemps été une question épineuse dans la pratique éditorial au XVe siècle. Cette question fait écho aujourd’hui à une ère où nous sommes passés d’un état de « rareté » de l’information à celui d’une surabondance de l’information avec Internet, l’ère Post-Internet.

Ainsi, comprendre les spécificités du numérique et analyser les pratiques d'édition à l'ère Post-Internet, c'est s'interroger sur la place du savoir et son rôle dans notre société. Parler d'édition numérique, ce n'est pas seulement évoquer des questions techniques ou des choix d'outils mais c’est surtout se poser des questions d’élaboration de contenu/savoirs et sa diffusion. Il est donc important de comprendre les différents aspects de l'édition numérique, d’un point de vue du média et de l’outil, pour mieux comprendre l'importance du numérique dans notre société.

Le numérique est un champ du possible, il amène des acteurs individuels à se regrouper, à s'interroger, à s’alimenter les uns les autres afin d’initier une altération créative visant à améliorer le fonctionnement du système actuel, à le rendre plus libre, plus juste, et plus ancré dans des besoins concrets. Il ne s’agit plus seulement de réaliser des éditions imprimées sur un logiciel de PAO et de le distribuer en PDF pour le dire numérique, mais il s’agit de prendre en compte et de penser la plus value de l’outil numérique et de l’environnement de publication qu’il représente , en s’interrogeant sur une forme inédite et intéressante de l’outil numériques. Si les outils numériques utilisés restent utilisés comme de simple exécutant de tâches ne faisant que gagner du temps, nous ne dépasserons jamais la simple remédiation du livre papier en numérique. Il est temps d’inviter celui ou celle qui produit l’édition numérique à l’intérieur de cette matrice, de s'intéresser au contenu, à son environnement et à concevoir de nouvelles formes d'éditions numériques.

Dans le fil de ce mémoire, le premier axe illustre d’abord l’histoire de la pratique d’écriture en passant par l’évolution du support et de l’outil, notamment par son passage de l’imprimé vers le numérique. Les deux derniers chapitres discuteront de la place que prend l’écriture dans nos environnements numériques et les nouvelles pratiques qu'ils ont engendrées. Il s’agit de comprendre de quelle manière le numérique a acquis progressivement une importance fondamentale dans les pratiques d'écriture.

Le deuxième axe vient parler de publication en traçant l’histoire d’Internet et du Web, et son appétence pour l’accumulation de données, son tri, organisation et partage (bibliothèque) en insistant sur l’importance et la fonction des métadonnées. Il se concentrera ensuite sur les discours rapportés liés à Internet et son ubiquité en mettant l’accent sur la prolifération de contenus que cela génère. Le dernier chapitre parle des nouveaux systèmes éditoriaux mis en place permettant une complexité des interactions des étapes d’actions éditoriales et non plus comme une séquence linéaire. Il mettra aussi en avant des enjeux théoriques et politiques de l’Open access et Open source menant directement à des nouvelles formes éditoriales et de formes de l’édition numérique. Il s’agit de comprendre de quelle manière le numérique a obtenu aujourd’hui une fonction importante dans les questions éditoriales et de ces possibles.

Le dernier axe, plus long que les précédents, offre des cas concrets d’éditions numériques à travers des outils numériques, des systèmes de publications et de nouvelles formes d’éditions hybrides. Cet axe s’ouvre sur une description des différentes échelles sur lesquelles interviennent l’hybridation et l’édition. Je m’appuie pour cela sur des cas d’études répondant à trois champs d’actions différents : le milieu scientifique et universitaire, le milieu de l’édition littéraire et créative, et les réseaux sociaux. Il offre ensuite un panorama de certains outils numériques et de leurs spécificités, puis fait la lumière sur les potentialités offertes par le numérique pour la recherche universitaire. En second temps, il propose une approche plus concrète de la production d’un objet éditorial hybride, de comment les outils numériques sont un vecteur de création supplémentaire permettant une nouvelle économie du livre. Enfin, il propose d’étudier les réseaux sociaux comme un nouvel environnement d’écriture, de publication et de lecture. Notamment en montrant comment des acteurs issus de milieu universitaire, institutionnel ou littéraire se sont emparé des avantages qu’ils présentent, de leurs codes, et comment ils les détournent. Il s’agit de comprendre de quelle manière le numérique permet une pratique de l’édition augmentée, nouvelle et plus accessible.

Ce mémoire est publié en trois formats : un format papier, une remédiation papier en numérique (ePub et PDF) et un format numérique augmenté. Cette dernière version offrira le mémoire dans son intégralité, avec pour certains chapitres enrichis de contenus complémentaires (liens, images, etc.), afin de profiter au mieux des possibilités offertes par le numérique.